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Y a-t-il une vérité en histoire ?

(copie de terminale littéraire, 2009-10)

 

Dans sa Seconde considération inactuelle (§4), Nietzsche a écrit que «  tout homme, tout peuple a besoin selon ses buts, ses forces, ses manques, de posséder une certaine connaissance du passé ». Ce besoin d’histoire est donc à l’origine de nombreuses études historiques qui tentent en vain de reconstruire le cours des événements humains. Pourtant, nombreux sont les historiens qui n’arrivent à se mettre d’accord sur l’exactitude de certains événements.  C’est pourquoi l’on se demandera s’il est possible qu’une vérité en histoire existe. Autrement dit, y a-t-il une vérité en histoire ? L’histoire, terme polysémique, désigne à la fois une réalité passée mais aussi, _ dans le cas de la discipline historique _ un discours donnant naissance à cette réalité passée, c’est à dire, un discours qui nous transmet le savoir de ce passé en projetant sur lui, une explication. Dès lors, apparaît un écart temporel entre l’histoire passée et celle que l’historien doit inscrire dans le présent. Pour cela, il n’a d’autres choix que d’interpréter l’histoire passée. Mais sans doute ces interprétations ne sont-elles pas toujours vraies. Or, et tel est le problème que soulève cette question, les historiens, face à la difficulté de l’interprétation du passé, un passé qu’ils n’ont eux mêmes pas vécu, sont-ils en mesure d’établir une vérité historique face à la complexité des événements du passé ? Nous verrons donc dans un premier temps que nous ne pouvons faire autrement que de croire les historiens. Car, si tel n’était le cas, nous nierions notre propre passé. De plus, les historiens rapportent des faits qui se sont réellement passés, et qui s’enchainent les uns aux autres. C’est à dire qu’ils affirment de façon rigoureuse et précise une causalité à l’œuvre dans la succession d’événements passés. L’histoire, ainsi considérée comme discipline scientifique, pourrait alors être en mesure de dévoiler une part de vérité. Toutefois, dans un deuxième moment, nous chercherons à établir que l’histoire ne peut se reposer toute entière sur la science puisque l’écart temporel entre l’histoire passée et l’histoire construite, c’est à dire l’histoire transmise par l’historien dans le présent, rend la scientificité de l’histoire tout à fait contestable. En effet, nous démontrerons qu’elle révèle avant tout de l’interprétation que les historiens feront d’elle. Enfin, dans un troisième et dernier moment, nous nous demanderons s’il ne serait finalement pas contradictoire d’affirmer qu’il n’existe qu’une seule et unique vérité historique. Puisque, d’une part, les différentes interprétations des historiens se contredisent les unes aux autres se détournant ainsi du principe même de la vérité, c’est à dire le principe de non contradiction. De l’autre, le doute quant à une éventuelle atteinte de la vérité subsiste toujours.

 

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Nous allons chercher à montrer en ce premier moment que l’existence d’une vérité historique est bel et bien possible.

 

Mais tout d’abord, interrogeons nous sur  le rapport qu’entretient l’histoire avec la vérité. Pour cela, il faut définir l’histoire comme récit fait pas l’historien des événements passés, et non pas, l’histoire comme récits d’aventures, fictifs, ou encore des affabulations. Nous entendrons donc l’histoire en ce sens, c’est à dire, l’ensemble des faits qui se sont déroulés dans le passé d’un peuple, ou d’une espèce. Cette élaboration du passé est réalisée par les historiens. Sans eux, nous n’aurions aucune connaissance de ces faits passés et donc, aucune perception du passé. En effet, les historiens vont faire en sorte de dire le vrai dans leur discours, de rapporter les événements passés tels qu’ils se sont déroulés et ce, le plus précisément possible. La vérité concerne l’ordre du discours, c’est à dire la concordance de celui-ci avec les « choses » (ici l’histoire) de la réalité. Autrement dit, la vérité se caractérise par un discours produit, qui est en parfaite adéquation avec la chose énoncé. C’est ainsi que l’on peut parler de vérité historique. En effet, l’historien va chercher à produire un discours qui en adéquation avec le passé, c’est à dire, en adéquation avec des faits qui se sont produits d’une certaine façon et pas d’une autre. Les historiens sont donc à la recherche de la vérité qu’ils tentent en vain d’élaborer. En d’autres termes, bien que l’accès à la vérité reste un idéal, un idéal que nous ne sommes jamais certain d’atteindre, les historiens tentent de se rapprocher de celle-ci. Cette recherche de la vérité réside en un effort constant de méthode et de rigueur en vue de celle-ci.

 

De ce fait, l’histoire va, à la manière des sciences, tenter d’atteindre le vrai en se lançant dans l’étude des faits passés. Mais pourquoi s’identifierait-elle donc aux sciences ? Les sciences dites exactes s’applique aux sciences pour lesquelles la notion de vérité, d’exactitude, ne pose apparemment pas de problèmes puisque les notions de bases sont considérées comme véridiques, vraies et universelles, c’est à dire, des vérités qui valent dans tous les cas, qui sont reconnues universellement. Cette science, dite historique, consiste en une affirmation d’une causalité, d’une base. Autrement dit, les historiens vont comme les scientifiques, rechercher des causes, des bases, auxquelles ils reconnaissent des conséquences. Concrètement, ils trouvent en certains événements historiques l’origine des conséquences, c’est à dire, des événements qui déterminent les actions qui suivent.  Ainsi, l’histoire devient logique. C’est à dire que les événements la constituant s’enchainent les uns aux autres successivement mais de façon logique, c’est à dire qu’ils sont raisons de d’autres événements. Par conséquent, et tel fut le propos de l’historien Marrou, l’histoire est définie comme la « connaissance scientifiquement élaborée du passé ». Mais cette « scientificité historique » n’en reste pas moins contestable. En effet, si l’histoire se trouve être scientifique dans sa méthode, _ c’est à dire le travail rigoureux et précis que mène l’historien pour trouver la vérité _ elle ne l’est pas à part entière.  Effectivement, il n’y a de sciences que s’il n’y a des lois prédictives, c’est à dire, des lois universelles et nécessaires, qui, autrement dit, sont des lois, des vérités qui valent dans tous les cas et qui ne peuvent pas ne pas être. Dès lors, sommes-nous en mesure de pouvoir considérer l’histoire au même titre que des sciences telles la physique ou la chimie ? A l’inverse de ces sciences, l’histoire, elle, ne peut se baser sur des vérités universelles et nécessaires. Tout au contraire,  l’histoire est contingente, c’est à dire qu’elle peut ne pas être puisque, l’époque étant révolue et l’historien ne l’ayant pas connu, il ne peut que l’interpréter. Comment être certain d’être dans le vrai ? De surcroît, elle ne peut être universelle en raison des nombreuses et différentes interprétations de chaque historien.

 

Dès lors, le problème inhérent à la question qui nous est posée apparaît dans toute sa complexité, et, demande donc d’être beaucoup plus approfondi. Ne devrions-nous donc pas délaisser cette conception scientifique de l’histoire ? L’histoire ne découle-t-elle que du fruit d’une enquête scientifique sur le passé ? Si a priori la scientificité de l’histoire permettrait une explication en vue du vrai, une multitude d’interprétations reste possible. Celles-ci détourneraient les historiens de la vérité historique. Considérer l’histoire comme discipline scientifique n’ai donc pas une condition suffisante. Mais dès lors, et rappelons nous le problème : Y a-t-il une vérité en histoire ? N’en existe-t-il qu’une seule d’ailleurs ? Face à la multitude d’interprétations de l’histoire, du passé, l’on pourrait être amené à penser qu’il n’existe pas qu’une vérité historique.   

 

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En ce deuxième moment, nous verrons donc que l’atteinte d’une vérité en histoire nous apparaît comme difficilement accessible du fait de la multitude d’interprétations possibles. Peut être existe-t-il même autant de vérités historiques que d’historiens.

 

En effet, si l’historien Marrou considère que l’histoire vaut autant qu’une science, ne reconnaitrait-t-il donc pas ainsi, l’existence d’une seule et unique vérité en histoire ? En effet, comme nous l’avons précisé précédemment, les scientifiques posent les bases de leurs sciences sur des vérités universelles et nécessaires _ des vérités qui valent tous les cas, pour tout le monde, qui sont reconnues comme vraies et qui ne peuvent donc pas ne pas être. Pourtant, en histoire, nombreux sont les historiens qui interprètent les événements passés différemment, ce qui donne naissance à une multitude d’interprétations. Celles-ci, par la suite, entrainent un conflit entre historiens qui ne sont guère d’accord sur l’interprétation d’un même fait passé.  Ainsi, il semblerait contestable de considérer l’histoire comme discipline scientifique puisque qu’à la différence des sciences, les historiens sont incapables ou du moins, ne peuvent se mettre d’accord sur la vérité d’un seul et même événement. Mais sur quoi peut donc bien se fonder cette pratique historienne en tant qu’elle a une visée en vue de la vérité si celle-ci ne se base pas sur les sciences ? L’histoire, à l’inverse des sciences, pourrait donc bien dépendre de l’interprétation que les historiens vont faire d’elle. Entendons l’interprétation en ceci qu’elle désigne l’acte d’expliquer quelque chose _ dans le cas de l’histoire, un fait historique _ en lui attribuant une explication, une signification claire et compréhensible. D’ailleurs, l’interprétation vient du latin « interpres » qui signifie celui qui explique, le traducteur. Dans tel cas, l’historien se fait lui même traducteur, intermédiaire, entre l’époque révolue, celle qu’il veut interpréter, et son époque, à laquelle il va transmettre la connaissance du passé tout en l’interprétant. Mais comment interpréter ce passé ? Sur quoi se fonde les recherches des historiens ?

 

La connaissance du passé devient envisageable pour les historiens grâce aux « traces du passé dans le présent » pour reprendre la formule de Michel de Certeau. C’est à dire que, l’historien doit chercher à comprendre comment les faits révolus se sont déroulés en enquêtant à partir des traces laissés du passé, autrement dit, à partir des matériaux historiques. Ces matériaux historiques peuvent prendre la forme de textes, de vestiges,  d’archives, d’œuvres d’art, etc. Ces derniers pourront donc apporter une sorte de témoignage du passé à l’historien. L’histoire n’est donc qu’une connaissance par traces  ce qui remet de nouveau en cause la scientificité de l’histoire. L’historien ne peut étudier directement un fait passé, un fait historique. C’est à dire qu’il ne peut expérimenter « l’objet » de son étude, ou reproduire ce phénomène, ce fait passé, comme un scientifique l’aurait fait dans son laboratoire.  Mais si la connaissance du passé n’est possible qu’à partir de ces témoignages, elle suppose nécessairement une re-contextualisation. C’est à dire, une mise en relation entre ces traces afin de reconstituer un événement historique appartenant au passé et lui donner du sens. On désigne dès lors par herméneutique cette science de l’interprétation en tant qu’elle permet, selon la formule de Michel Foucault dans Les mots et les choses, « de faire parler les signes et de découvrir leur sens ». Cette expression prend tout son sens puisque, dans l’interprétation de l’histoire, il s’agit bien de donner du sens à l’histoire, de reconstituer le passé, le remettre en place à l’aide de ces signes qui racontent, témoignent en quelques sorte du passé.  Mais cette « remise en place » du contexte historique fait défaut : comment les historiens peuvent-ils être certain d’interpréter correctement les traces laissées du passé ? C’est à dire, de les interpréter sans pour autant transformer les événements, modifier leur réalité et donc, nous détourner de la vérité. Car, rappelons le nous, un discours ne rapportant pas les faits réels et tels qu’ils se sont déroulés, ne correspondrait pas, ne serait pas en adéquation avec la réalité historique et ainsi, ne transmettrait en aucun cas la vérité.

 

Nous venons donc de soutenir qu’il se pourrait que l’histoire comme discipline scientifique soit contestable du fait de l’écart temporel séparant un fait passé de l’historien. De plus, la multitude d’interprétations possibles pour un seul et même fait historique remet en cause l’existence d’une vérité historique. Comment dès lors envisager qu’il n’existe qu’une seule et unique vérité historique ? Le doute semble donc persister face au problème que nous pose la question qui est, nous le rappelons, y a-t-il une vérité en histoire ? D’ailleurs, sommes nous certains qu’il n’en existe-t-il qu’une seule ? Mais ne serait-il donc pas contradictoire d’affirmer l’existence de plusieurs interprétations, de plusieurs vérités historiques lorsqu’il n’y a qu’une vérité ? Toutes ne peuvent être vraies car elles se contrediraient les unes aux autres, or le principe même de la vérité reste le principe de non-contradiction. Si une interprétation se trouvait être juste et encore faut-il que celle-ci le soit, une autre se trouverait systématiquement fausse.

 

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Dans ce troisième moment, nous chercherons donc à   soulever l’ambigüité, la contradiction, résidant au sein du problème que nous pose la question « Y a-t-il une vérité en histoire ». Une vérité qui sème le doute quant à son accès, que celle-ci concerne l’histoire ou tout autre discipline.

 

Les deux premières thèses sembleraient s’opposer en apparence. Au fond, l’une comme l’autre répondent au problème qui nous demande s’il existe une vérité en histoire. Cette troisième partie nous invite donc à renouveler notre regard quant à ce problème. En effet, si précédemment nous avons démontré que l’histoire se reposait sur l’interprétation et non sur la science, le doute semble toujours subsister quant à l’atteinte d’une vérité en histoire. D’autant plus que l’interprétation pourrait finalement, se révéler être un obstacle insurmontable en vue de la vérité. Effectivement, l’affirmation de l’histoire comme discipline révélant de l’interprétation, entraine une contradiction. A savoir, ne serait-il donc pas contradictoire d’affirmer l’existence de plusieurs interprétations, de plusieurs vérités historiques ? La vérité, en plus de se définir comme l’adéquation, la correspondance parfaite avec une réalité passée ou non, respecte avant tout le principe de non-contradiction. Ce principe veut qu’on ne peut affirmer et nier une même proposition en même temps. C’est à dire qu’il est impossible qu’une chose soit et ne soit pas à la fois. Or, et tel est le cas pour les historiens qui, en donnant plusieurs interprétations à une même chose, à un même événement, vont  assurément biffer le principe de non-contradiction. En effet, tous produisent le discours d’une interprétation pour un événement et soutiennent donc la vérité de celui-ci. Pourtant,  en exposant chacun une interprétation différente, les historiens vont se contredire. En effet, toutes les interprétations ne peuvent être vraies car  elles ne respecteraient le principe même de non-contradiction de la vérité. Si jamais un historien prétend que son interprétation se trouve être juste, une autre se trouverait dès lors systématiquement fausse. Malgré tout, si un historien prétend la justesse de son interprétation, c’est à dire, s’il soutient que son interprétation est la plus vraie, il ne pourra jamais affirmer que celle-ci est l’atteinte même de la vérité à moins que celui-ci ne se plonge dans une attitude dogmatique c’est à dire, une attitude qui le réduirait à ne considérer que sa propre interprétation et à ne pas douter des thèses qu’il avance.

 

Tout au contraire, l’historien ne devrait-il pas faire preuve d’objectivité ? C’est à dire, ne devrait-il pas se comporter comme impartial et neutre ? Nous ne sommes jamais certains d’atteindre la vérité, que cela soit en histoire ou autre discipline. Il ne s’agit pas là de refuser, de ne pas reconnaître une existence à la vérité puisqu’une telle affirmation reviendrait d’ailleurs à adopter de nouveau une position dogmatique, c’est à dire, se plonger dans une certitude et se fermer à une seule et même interprétation. C’est pourquoi, les historiens plutôt que de se contenter d’une interprétation devrait poursuivre indéfiniment la recherche de la vérité puisqu’ils ne sont jamais certains de l’atteindre. Cela ne reviendrait pas à douter de la vérité mais à l’inverse, la rechercher c’est à dire, mener un effort constant pour l’atteindre. L’historien n’a connaissance du passé que par les « traces », les fragments que celui-ci a laissé dans notre présent ou encore, par le ouï dire qui traverse les siècles, qui traverse l’histoire passée des peuples. Si l’interprétation remet en cause la vérité, le doute quant à l’accès de la vérité renforce lui même cette incertitude de pouvoir parvenir, un jour, à atteindre une vérité en histoire.

 

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Nous avons donc démontré dans un premier temps que l’histoire considérée comme discipline scientifique pouvait révéler une part de vérité puisqu’elle capable de raconter des faits qui se sont réellement passés, qui ont existé dans le passé. Or, dans un deuxième moment, nous avons démontré que considérer l’histoire comme sciences était contestable puisque  l’écart temporel entre l’histoire passée et l’histoire racontée par l’historien ne peut être vérifiée comme l’aurait fait un scientifique dans son laboratoire. Or, les expériences réalisées par les scientifiques permettent de vérifier et d’approuver des vérités universelles et nécessaires. L’histoire se baserait donc avant tout sur l’interprétation. Enfin, dans un troisième et dernier moment, nous avons soutenu que les interprétations ne font qu’amplifier le doute fasse à la vérité qui, reste malgré tout inaccessible quelques soit les méthodes employées pour parvenir à la trouver. Mais, vis à vis de l’histoire, qui, par son écart temporel renforce la difficulté d’appréhender la vérité, ne devrions-nous pas, tout d’abord, nous détacher d’une conception scientifique de l’histoire ? Conception qui nous contraint à interpréter l’histoire en ajustant les événements historiques les uns aux autres, en ne veillant qu’à la cohérence entre les événements afin de faciliter leur succession, « d’aménager » l’interprétation pour parler comme Michel Foucault. Ce dernier, philosophe français, suggérait en effet une discontinuité de l’histoire qui consisterait en une étude par thèmes et non chronologiques. Tel fut d’ailleurs son propos dans L’ouverture de l’histoire à la vérité dans lequel il affirmait qu’il nous faudrait «  fuir toutes les continuités irréfléchies par lesquelles on aménage par avance le discours qu’on envisage d’analyser ».

 

 

 

 

 

 

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